Un vieux sur le trottoir
Il crache
Se penche un peu
Un dégoût fort de l’Ontario sur rue
elle s’approche et te dit à bout de souffle et sans virgule monsieur Pie-IX monsieur Pie-IX tu lui réponds ne tenir ni du pape ni du mort que tu es tout au plus simple bedeau rue Ontario mais qu’elle trouvera bien un boulevard là-bas vers l’est
*
tu traverses un autre
après-midi de gouttière
au chant des scies
reines du premier au troisième
qui se posent sur la langue
comme des hosties
de cendre
*
ligne de faille rue
La Fontaine
rue des églises
des voix fusent s’éloignent
sur la plaque d’un trou d’homme
à travers un sac de plastique
on voit un paquet de cigarettes
un briquet deux strings propres
baluchon de jours maigres
pense-t-on
*
pose la tête sur l’oreiller du 3848
pour écouter ce qui fuit
derrière la brique et les fenêtres
barricadées
chuchote-moi le souffle des bêtes
le remugle qui rampe et la rumeur
de l’épervier
*
rue Ontario
une vieille serre dans ses bras
un détour me regarde
ce sera drôle tu verras
elle déplace le panneau
d’un quart de tour
et s’en va l’air de dire
tu perdras ton prochain
comme toi-même
jusqu’ici
je n’avais jamais envisagé le labyrinthe
comme machine de deuil et d'amour
*
derrière le screen d’une ruelle
tu devines le crachin
du café sur la langue la piqûre
du goudron sur l’émail
le matin et le silence
pour tout le monde
*
le matin est une ruelle
vidée goutte à goutte
de ses carrures voûtées
la rouille des pentures
paillette les seuils
les pieds nus
et durcis
je marche le territoire
me divise et me donne
le droit de m’en aller
*
j’enfonce la gâchette
du pistolet à essence
dans mon dos une femme
approche monsieur
est-ce que
je tourne la tête
du coin de l’œil son pantalon
bouton pendant braguette ouverte
à suivre le poète
tu imagines habiter
le trottoir des Amériques
et nunc
tu gis là
dans la marge intérieure
petit fond où vase et vers
se font prendre
loin de la gouttière
*
de bon matin
les petites jumelles
d’en face échangent
un ballon de plage
un premier vendredi d’été
*
tu dis
je traverse la rue
tu penses
j’enjambe le continent
*
scotchée à un poteau
«la révolution a besoin de vous» mais
Point de rencontre à l’édicule, qu’ils ont dit.
L’édicule, curieux toit bétonné. C’est ce qui protège les passants de la vue du Stade, que j’ai appris. Pie-IX s’est dressé devant nous et nous avons redressé le chemin. Heure prévue pour le coucher de soleil : 20h32 selon Météomédia. Ni trop tôt ni trop tard pour stager la déclinaison lumineuse, en capturer les derniers souffles, obtenir une série de moments reproductibles à l’infini. De lourds objectifs pour l’atteinte de formidables clichés.
Une odeur d’herbe fraîchement coupée accompagne ta déambulation le long de la rue Notre-Dame. La femme qui conduit le tracteur, porte grande ouverte, accuse à peine ta présence. Ici, à quelques rues de l’appartement, les bandes d’asphalte et de verdure suffisent à te faire sentir ailleurs – tu veux dire : loin. Il aurait suffit du passage d’une outarde, au moment de fermer les yeux, pour te retrouver une vingtaine d’années plus tôt dans un champ – sur le plate.
Il nous arrivait d’aller au marché Maisonneuve. On prenait le tramway, puis on revenait à Longueuil… Le poulet ou les gâteaux n’avaient pas le temps de dégeler. Il n’y avait pas de métro à cette époque. On traversait le fleuve en bus ou en tramway. Ce dernier nous laissait devant le marché… (me raconte mon père avant qu’il ne disparaisse lui aussi).
Quel était ce tramway? La ligne 3A (Ste-Catherine), la 5A (Ontario)?