Un vieux sur le trottoir
Il crache
Se penche un peu
Un dégoût fort de l’Ontario sur rue
elle s’approche et te dit à bout de souffle et sans virgule monsieur Pie-IX monsieur Pie-IX tu lui réponds ne tenir ni du pape ni du mort que tu es tout au plus simple bedeau rue Ontario mais qu’elle trouvera bien un boulevard là-bas vers l’est
*
tu traverses un autre
après-midi de gouttière
au chant des scies
reines du premier au troisième
qui se posent sur la langue
comme des hosties
de cendre
*
ligne de faille rue
La Fontaine
Les lieux sont des histoires fragmentaires et repliées […] des temps empilés qui peuvent se déplier, mais qui sont là plutôt comme des récits en attente…
Michel de Certeau
Trop léger pour janvier
Ruelle Daguerre. Seulement ce toponyme dans un éclat de tôle blanche et mon pas sur un sol rendu incertain par l’hiver.
rue des églises
des voix fusent s’éloignent
sur la plaque d’un trou d’homme
à travers un sac de plastique
on voit un paquet de cigarettes
un briquet deux strings propres
baluchon de jours maigres
pense-t-on
*
pose la tête sur l’oreiller du 3848
pour écouter ce qui fuit
derrière la brique et les fenêtres
barricadées
chuchote-moi le souffle des bêtes
le remugle qui rampe et la rumeur
de l’épervier
*
rue Ontario
une vieille serre dans ses bras
un détour me regarde
ce sera drôle tu verras
elle déplace le panneau
d’un quart de tour
et s’en va l’air de dire
tu perdras ton prochain
comme toi-même
jusqu’ici
je n’avais jamais envisagé le labyrinthe
comme machine de deuil et d'amour
*
derrière le screen d’une ruelle
tu devines le crachin
du café sur la langue la piqûre
du goudron sur l’émail
le matin et le silence
pour tout le monde
*
le matin est une ruelle
vidée goutte à goutte
de ses carrures voûtées
la rouille des pentures
paillette les seuils
les pieds nus
et durcis
je marche le territoire
me divise et me donne
le droit de m’en aller
*
j’enfonce la gâchette
du pistolet à essence
dans mon dos une femme
approche monsieur
est-ce que
je tourne la tête
du coin de l’œil son pantalon
bouton pendant braguette ouverte
« Tout se réduit, en fait, à la peur de la mort. »
E.M. Cioran
Sur les cimes du désespoir
J’y suis retourné après cinq ans.
C’était le 31 octobre, le soir. Un homme s’est approché de moi, a mis ses mains sur ma gorge, il a serré. Une femme a hurlé. Je me suis dégagé. J’ai arpenté le boulevard Pie-IX, désorienté, à la course, j’ai perdu le nord – je le suivais pourtant. J’ai traversé la rue Sherbrooke, n’y suis jamais revenu.