Nuit

Chapelet et gobelet

elle s’approche et te dit à bout de souffle et sans virgule monsieur Pie-IX monsieur Pie-IX tu lui réponds ne tenir ni du pape ni du mort que tu es tout au plus simple bedeau rue Ontario mais qu’elle trouvera bien un boulevard là-bas vers l’est

 

*

tu traverses un autre
après-midi de gouttière
au chant des scies
reines du premier au troisième
qui se posent sur la langue
comme des hosties
de cendre
 

*

 

ligne de faille rue
La Fontaine

Dettes remblaiements

le matin est une ruelle
vidée goutte à goutte
de ses carrures voûtées

la rouille des pentures
paillette les seuils
les pieds nus
et durcis

je marche le territoire
me divise et me donne
le droit de m’en aller

 

*

 

j’enfonce la gâchette
du pistolet à essence

dans mon dos une femme
approche monsieur

est-ce que

je tourne la tête
du coin de l’œil son pantalon
bouton pendant braguette ouverte

De la poussière

 « Tout se réduit, en fait, à la peur de la mort. »

E.M. Cioran

Sur les cimes du désespoir

 

J’y suis retourné après cinq ans.

C’était le 31 octobre, le soir. Un homme s’est approché de moi, a mis ses mains sur ma gorge, il a serré. Une femme a hurlé. Je me suis dégagé. J’ai arpenté le boulevard Pie-IX, désorienté, à la course, j’ai perdu le nord – je le suivais pourtant. J’ai traversé la rue Sherbrooke, n’y suis jamais revenu.

«La sonnette ne marche pas»

à suivre le poète
tu imagines habiter
le trottoir des Amériques
et nunc

tu gis là
dans la marge intérieure
petit fond où vase et vers
se font prendre
loin de la gouttière

*

de bon matin
les petites jumelles
d’en face échangent
un ballon de plage
un premier vendredi d’été

*

tu dis
je traverse la rue

tu penses
j’enjambe le continent

*

scotchée à un poteau
«la révolution a besoin de vous» mais

Surmonter l'édicule et descendre l'éthanol

Point de rencontre à l’édicule, qu’ils ont dit.

L’édicule, curieux toit bétonné. C’est ce qui protège les passants de la vue du Stade, que j’ai appris. Pie-IX s’est dressé devant nous et nous avons redressé le chemin. Heure prévue pour le coucher de soleil : 20h32 selon Météomédia. Ni trop tôt ni trop tard pour stager la déclinaison lumineuse, en capturer les derniers souffles, obtenir une série de moments reproductibles à l’infini. De lourds objectifs pour l’atteinte de formidables clichés.

Cahier Canada et cochonnet

Une odeur d’herbe fraîchement coupée accompagne ta déambulation le long de la rue Notre-Dame. La femme qui conduit le tracteur, porte grande ouverte, accuse à peine ta présence. Ici, à quelques rues de l’appartement, les bandes d’asphalte et de verdure suffisent à te faire sentir ailleurs – tu veux dire : loin. Il aurait suffit du passage d’une outarde, au moment de fermer les yeux, pour te retrouver une vingtaine d’années plus tôt dans un champ – sur le plate.

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