Être auprès des choses

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Être auprès des choses. L'écrivain flâneur tel qu'engagé dans la quotidienneté.

 

Être au monde, c’est être auprès des choses dans l’habitude et la familiarité [...].

Christian Dubois (2000: 61)

 

J’ai rassemblé ici, sur le double mode du témoignage et de l’essai, quelques fragments réflexifs offrant des liens d’insistance autour de la double question du flâneur et de la quotidienneté.1 Je pars du principe, hérité des sciences, que quiconque entreprend d’expliquer, voire seulement de décrire un phénomène doit d’abord dévoiler son mode de spéculation. En littérature, on appelle cela une posture d’écrivain –et dans certains cas, un manifeste.

L’idée de quotidienneté – ou ses différentes déclinaisons, l’ordinaire quotidien, la banalité, etc. –, renvoie à deux sens distincts; l’un, assez neutre, référant à ce qui constitue la réalité sociale et personnelle dans sa dimension courante, «ce que nous sommes en premier lieu et le plus souvent», dit Blanchot (1969: 355), «l’air le mieux connu de mon existence», dit Bruce Bégout (2005: 18); et l’autre, le péjoratif du premier, qui se rapporte au lieu commun et à la routine fastidieuse qui avilissent les individus dans la répétition, dans la monotonie, dans l’inertie, et qui les assignent à la similitude et à la substituabilité. Or, sans prétendre que la seconde acception soit sans intérêt pour la littérature, j’ai choisi d’explorer la première, qui renvoie à un mode d’appropriation de l’existence sans la charge dépréciative contenue dans la seconde, qui semble abréger l’individu à une vie sans qualités. Et cela dans la perspective de la relation du flâneur à cette quotidienneté.

On retiendra donc qu’au long de ces quelques fragments, le terme quotidienneté n’est pas utilisé dans le sens dépréciatif que lui accorde Henri Lefebvre (1968) pour condenser les divers procès d’aliénation à l’œuvre dans le quotidien. Lui est plutôt attribué, dans un premier temps, le sens usuel de ce qui appartient tout simplement à la vie de tous les jours. Ce dont on a l’expérience habituelle, ce qui est rendu familier à force de présence suivie. Le coutumier, qui se produit sans cesse de nouveau. La toile de fond de la vie de tous les jours. Ces choses familières plus prévues que vraiment perçues ou consignées, qui font partie des événements personnels ou mondains routiniers. Ce qui se fait presque sans nous - l’idée de vie quotidienne renvoyant à la surprésence de faits et de choses toujours déjà là, qui à première vue ne semblent pas mériter qu’on s’y attarde.

Lire le texte complet sur le site de l'Observatoire de l'imaginaire contemporain.

  • 1. Tout au long de cet article, le mot flâneur abrégera l’expression écrivain flâneur. On notera par ailleurs que je préfère le terme quotidienneté à banalité – qui semble plus négativement connoté.